CENI – Commission Electorale Nationale Indépendante du Burundi

Accra, Ghana – 08-12 août 2011

A. Contexte et cadre de la formation

Au niveau du continent africain, les cours de perfectionnement en Administration électorale sont régulièrement organisés.

La formation BRIDGE organisée à Accra du 08 au 12 août 2011 se situe dans le cadre des actions de l’International IDEA (Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale) de renforcer les capacités du personnel des Organes de Gestion des Elections en Afrique. Grâce à l’appui de la coopération au développement de l’Australie depuis 2004 et à travers le Fond d’Appui à la Gouvernance en Afrique, l’Australie a renforcé ses interventions auprès de l’International IDEA, particulièrement en appuyant « le Plan d’activités conjoint entre l’Union africaine et l’IDEA 2011-2013 ».

L’objectif du Programme IDEA en Afrique est de renforcer les capacités des administrateurs électoraux venant des différents Organes de Gestion des Elections en utilisant le curriculum BRIDGE comme principal outil de formation. Ce partenariat vise à former les formateurs et donne accès aux matériaux BRIDGE à tous les formateurs électoraux dans son programme spécifique de « Formation de Formateurs »(FdF).

Il est important de souligner que BRIDGE est le curriculum le plus complet au monde sur les processus électoraux. Conçu et développé par les meilleurs experts pour les administrateurs électoraux, BRIDGE peut également être utilisé par les parties prenantes comme les partis politiques, les médias , les organisations de la société civile et les législateurs.

La formation organisée à Accra du 8 au 12 août 2011 se situe en conséquence dans le prolongement des actions de BRIDGE sous deux aspects : le développement professionnel des administrateurs électoraux et le transfert des compétences pour aider les personnes formées à devenir à leur tour des facilitateurs à l’intérieur de leurs organisations respectives.

La formation d’Accra sur « L’inscription des électeurs » était destinée à un public francophone et la facilitation a été partant conduite en français par un Facilitateur Accréditeur, Monsieur Corneille NANGA de la République Démocratique du Congo; un Facilitateur Accrédité, Madame KANDO du Burkina Faso; et un Facilitateur Semi-Accrédité, Monsieur Pierre Claver NDAYICARIYE, Président de la Commission électorale nationale indépendante du Burundi. Vingt –trois participants ont pris part à cette formation modulaire.

A la fin de la formation qui a duré cinq jours, Pierre Claver NDAYICARIYE a monté de galon en facilitation des formations BRIDGE ; il est depuis ce 12 août 2011 devenu « Facilitateur BRIDGE Accrédité ».

B. Préparation du cours par les facilitateurs

La phase préparatoire de la formation a débuté le 03 août 2011 à SUNLODGE HOTEL d’Accra, lieu réservé par le Bureau d’International IDEA pour l’Afrique pour abriter la dite formation.

Sous la conduite de Monsieur Corneille NANGA, Facilitateur Accréditeur, l’équipe de préparation du cours s’est mise à l’œuvre pour rassembler tous les outils pédagogiques des participants et les notes de facilitateurs. Cette action était combinée avec la préparation logistique de la salle de conférence et les supports audiovisuels nécessaires à la facilitation de la formation. Cette phase préparatoire est la plus contraignante ; elle exige de lister tous les outils, équipements et supports divers et de les rassembler au lieu de la formation bien avant l’arrivée des participants.

Cette phase débutée le 03 août 2011 s’est pratiquement terminée le dimanche 07 août 2011 pendant la nuit.

La phase de préparation du cours guide et éclaire les facilitateurs débutants dans leur démarche de préparer le cours BRIDGE conformément à la méthodologie BRIDGE. Cette phase cruciale pour les facilitateurs débutants est une occasion pour le Facilitateur Accréditeur de montrer à ces derniers comment il faut consulter les ressources BRIDGE et comment s’opère le choix des Notes de Facilitateurs, des Notes des Participants , des Vidéo à projeter ou des Documents à distribuer, sans oublier les autres documents que les facilitateurs conçoivent eux-mêmes pour améliorer et enrichir le contenu de la formation sans s’écarter de la méthodologie BRIDGE qui met en œuvre les méthodes andragogiques.

Les premiers participants invités à la formation BRIDGE sur « l’inscription des électeurs » d’Accra du 08 au 12 août 2011 sont arrivés au lieu de la formation le samedi 06 août 2011 ; mais la majorité des participants attendus par l’International IDEA d’Accra ont été accueillis le dimanche 07 août 2011.

C. Déroulement de la formation

Comme fixé à l’agenda, les cérémonies d’ouverture de la formation ont débuté le lundi 08 août 2011 à 9 heures au SUNLODGE HOTEL d’Accra. Après un mot liminaire du Facilitateur principal de la formation, Monsieur Corneille NANGA, c’est le Directeur de l’International IDEA d’Accra, Monsieur Théo DOWETIN qui a pris la parole pour remercier tous les partenaires du Projet BRIDGE et les participants en général et le Gouvernement Australien en particulier représenté pour la circonstance par son Ambassadeur à Accra.

Monsieur Théo DOWETIN a tenu à souligner l’apport technique et financier de l’Australie dans le développement du curriculum BRIDGE et dans le financement des actions de renforcement des capacités des membres des OGE du continent africain.

Prenant la parole à son tour, l’Ambassadeur de l’Australie au Ghana a fait savoir qu’il s’est associé au lancement de la formation pour montrer l’intérêt que son pays attache au renforcement des capacités des administrateurs des élections en Afrique. Après les cérémonies protocolaires liées au lancement de la formation, les participants guidés par l’équipe des facilitateurs s’est mise à l’œuvre.

La présentation des buts, des objectifs et de l’agenda de la semaine a pratiquement ouvert la formation proprement dite. Les participants réunis à Accra avaient besoin de :
– Comprendre les concepts et les principes généraux de l’inscription des électeurs;
– Comprendre comment développer et mettre en œuvre un processus d’inscription des électeurs et de partager leurs expériences;
– Apprendre le rôle de la technologie dans l’inscription des électeurs ;
– Comprendre l’importance de l’éducation des électeurs dans les processus d’inscription ;
– Comprendre le rôle des parties prenantes dans l’inscription des électeurs ;
– Comprendre l’importance de l’audit comme instrument pour renforcer la crédibilité des listes électorales.

L’agenda de la formation figure naturellement parmi les nombreux documents qui constituent le kit remis à chaque participant.

Première journée de la formation : Pourquoi inscrit-on les électeurs ?

Outre les informations administratives et logistiques permettant aux participants de comprendre les conditions dans lesquelles ils vont travailler et les règles de conduite convenues de façon consensuelle avec les mêmes participants pour davantage d’ordre, de discipline et d’efficacité pendant la formation, nous pouvons considérer que cinq activités ont marqué les travaux de la journée :
– a) Comprendre le plan de réintégration pour chaque participant ;
– b) Pourquoi inscrit-on les électeurs ?
– c) Types et catégories des listes d’électeurs ;
– d) Comprendre les principes de l’inscription des électeurs ;
– e) La clarification des principes d’inscription des électeurs.

Deux activités parmi les cinq ci-haut citées ont fait l’objet de développements à la hauteur de l’intérêt manifesté par les participants.
– Pourquoi inscrit-on les électeurs ? La question fut débattue de façon à susciter chez les participants les réponses et les réflexions appropriées. Ainsi, l’inscription fut notamment comprise, au niveau du cycle électoral, comme une activité qui aide à vérifier l’éligibilité des électeurs ; qui soutient la crédibilité/ légitimité du processus électoral ; qui aide à l’éducation des électeurs ; qui aide l’OGE à planifier et enfin comme une activité qui aide à mettre à la disposition des partis politiques et des candidats des données leur permettant de mener une campagne.
– Quels sont les types et catégories de listes des électeurs ? La question fut présentée par Monsieur Hubert , Directeur de l’Information technique à la Commission électorale nationale indépendante du Ghana invité par les organisateurs de la formation à partager son expérience professionnelle personnelle et les pratiques et les choix technologiques de la Commission électorale du Ghana en matière d’inscription des électeurs.
– Les explications et les informations fournies par le conférencier du jour sur le sujet ont permis aux participants de suivre attentivement l’activité dont l’épine dorsale était de distinguer et d’expliquer les concepts « Types d’inscription », « Pratiques d’inscription » et « Méthodes d’inscription ». Dans l’esprit de nombreux participants à la formation, les différences entre ces concepts n’étaient ni existantes ni nettes.
– D’où la diversité et l’importance des questions posées par le conférencier à l’assistance et les réactions du même public pour avoir plus d’éclairages sur les concepts et les réalités qu’ils recouvrent.

A la fin de la première journée de travail, les exemplaires des plans de réintégration ont été distribués à tous les participants avec des consignes précises de les remplir dans le but de le remettre aux facilitateurs à la fin de la formation. Une évaluation individuelle écrite des activités de la journée est également demandée à chaque participant pour donner son appréciation sur la formation en cours.

Au niveau de la méthodologie et de la répartition des tâches, il est important d’indiquer que les trois facilitateurs se relaient pour faciliter la formation selon un agenda connu des seuls facilitateurs et évaluent eux aussi les prestations de la journée dans le but de mieux préparer les activités de la journée suivante. En cas de besoin, des ajustements peuvent être apportés à l’agenda pour s’adapter aux contraintes du temps ou d’un conférencier externe.

La deuxième journée

Comprendre les principes de l’inscription des électeurs, clarifier les valeurs et développer les objectifs d’enregistrement des électeurs furent les principales activités développées par la facilitation.

La troisième journée : Questions posées aux fournisseurs d’équipements

La facilitation a également invité un représentant des fournisseurs(en l’occurrence la société LOGITHEC d’Afrique du Sud) pour présenter aux participants à la formation les solutions informatiques utilisées dans certains pays pendant le processus d’inscription des électeurs.
• Le débat sur les technologies ordinaires, moyennes et les hautes technologies avait commencé la veille, le 09 août 2011 à travers les échanges préliminaires entre la facilitation et les participants sur les « Types » , les « Pratiques » , les « Méthodes », les « avantages » et les « inconvénients » des technologies ordinaires et des hautes technologies.

Dans certains pays africains, comme le Ghana, la République Démocratique du Congo, le Rwanda, le Togo et la Sierra Léone, l’utilisation des hautes technologies dans le processus d’inscription des électeurs est une réalité depuis quelques années.
A travers l’échange d’informations sur les pratiques des pays représentés à la formation d’Accra, il s’est dégagé une grande leçon : avant de se lancer dans le choix des hautes technologies, il faut préalablement bien évaluer les besoins.

Mieux encore, il est important que toute solution qui vient soutenir la production d’un fichier électoral crédible et fiable mérite d’être soutenue même si la solution s’avère chère, la paix et la stabilité du pays n’ont pas de prix. Car dans de nombreux pays africains, le fichier électoral mal confectionné est à la base de la méfiance politique et des processus électoraux souvent contestés jusqu’à la violence électorale ou post-électorale. Si la biométrie vient résoudre de tels problèmes, cette solution est également la bienvenue à condition que chaque pays ou chaque OGE fasse un choix avisé qui vise surtout la pérennité.
– Le cadre opérationnel de l’inscription des électeurs a été développé à travers une approche participative pour permettre aux participants de comprendre la succession des activités qui donnent naissance au fichier électoral. En réalité, il s’agissait pour la facilitation de montrer le véritable agencement des étapes opérationnelles.

La quatrième journée fut dominée par deux activités majeures : Affichage et Procédures des plaintes/ recours et appels et l’importance des parties prenantes dans le processus d’inscription des électeurs.

– Quelque soient les législations des pays, la question de l’affichage des listes électorales provisoires reste cruciale.
Elle favorise le toilettage du fichier provisoire et renforce la confiance des parties prenantes. C’est pendant la période d’affichage qu’on donne l’opportunité aux requérants électeurs et à toutes les parties intéressées de vérifier si les listes électorales répondent aux critères d’exactitude et d’exhaustivité. Ainsi la question « à quoi sert l’affichage des listes électorales » trouve sa réponse. En effet, le fichier électoral est un élément clé du processus électoral. Il ne doit faire l’objet de la moindre contestation ou de la moindre suspicion.

C’est pourquoi la facilitation a beaucoup insisté sur la qualité du fichier électoral, les procédures de plainte, de recours et /ou d’appels pour que les droits humains soient respectés pendant le processus d’inscription des électeurs.
– L’importance des parties prenantes dans le processus d’inscription des électeurs a été à maintes fois soulignée.
Les enseignements de l’expert australien Alan Wall sur les parties prenantes principales et les parties prenantes secondaires ont été suivis attentivement par les participants. L’absence de questions sur l’activité montrait plutôt que les participants étaient convaincus des affirmations de cet expert qui s’exprime en praticien avisé.
– L’activité sur l’audit des listes électorales apparut comme un concept nouveau pour de nombreux participants.

En distinguant l’observation des élections, l’observation de l’inscription des électeurs et l’audit des listes électorales, une certaine emphase fut apportée au débat sur l’audit des listes. Des questions précises orienteront les réflexions et la participation de l’assistance :
– Connaissez-vous des pays africains qui disposent de normes
juridiques qui prévoient l’audit des listes électorales ?
– Pourquoi est-il important d’auditer les listes électorales ?
– Qui devrait auditer les listes électorales ?
– Quand est-il particulièrement important d’auditer les listes électorales ?

Sur les différentes questions, le « Qui » et le « Quand » ont nécessité davantage l’éclairage de la facilitation pour montrer surtout que c’est l’organe de gestion des élections qui doit mettre en place des mécanismes d’audit des listes électorales non pas après les élections mais avant les élections. Le but visé étant le même : obtenir un fichier électoral crédible et fiable.

La cinquième journée : une journée dominée par les échanges sur le concept de la cartographie électorale et le développement des campagnes et des messages d’éducation pour l’inscription des électeurs.

En revenant sur la démarche de l’élaboration des plans opérationnels, la facilitation et les participants ont partagé une compréhension commune sur un point : le système d’inscription des électeurs le mieux conçu et le plus sophistiqué du monde n’apportera aucun crédit à l’OGE si personne ne se présente pour s’inscrire, si les personnes vont au mauvais endroit ou n’apportent pas la documentation nécessaire pour établir leur identité et leur qualité d’électeur.

L’autre recommandation faite aux participants, après un brainstorming sur l’activité, est relative à la spécificité des campagnes d’éducation pour chaque composante du processus d’inscription des électeurs.
Adapter les campagnes d’éducation des électeurs tient compte de la cartographie électorale de chaque pays et des réalités multiples du terrain et des populations cibles.

D. Quelques conclusions

Quelles sont les conclusions tirées de cette formation d’Accra sur l’inscription des électeurs ?
Cinq principales leçons :

  1. L’intérêt des participants a été manifeste dès le premier jour à travers les questions posées et l’insistance des personnes qui voulaient à tout prix poser des questions ou partager les expériences vécues dans leur pays. Malheureusement, le temps est une ressource difficile à gérer ; dans la méthodologie BRIDGE , la gestion du temps s’adapte au format de l’ensemble de l’agenda de la formation.
  2. L’activité sur les types, les pratiques et les méthodes d’inscription a soulevé de nombreuses questions de compréhension car les thèmes ne sont pas évidents à différencier. Faire parler un expert qui a de longues années d’expérience pratique a été « un must » dans le cadre de cette formation. Il en est de même des développements faits au sujet des avantages et inconvénients liés au choix des technologies à utiliser pendant le processus d’inscription des électeurs.
  3. Le premier jour, les participants démarrent la formation avec parfois des complexes de supériorité de cadres d’OGE qui savent beaucoup de choses. C’est au fur et à mesure que la facilitation fait travailler les participants au sein des groupes que chacun découvre qu’il est en train d’apprendre des autres. Cette métamorphose mentale et psychologique est une démarche positive que certains participants reconnaissent eux-mêmes pendant l’évaluation verbale et écrite. « Je pensais savoir … mais je réalise que c’est maintenant que je viens d’apprendre ».
  4. Le rythme de travail paraît épuisant pour certains participants. Trop de questions sont posées aux participants pris individuellement ou en groupes. Selon la qualité des participants et de la facilitation, les réponses deviennent instantanées ou rares. Il faut évaluer chaque soir pour adapter la facilitation au groupe mais sans s’écarter de la méthodologie BRIDGE.
  5. Mettre ensemble les participants qui partagent la même langue est plus facile à gérer ; car l’implication d’un interprète « mage » le temps et « tue » la dynamique de groupe.

Au niveau de mon appréciation personnelle, je dégage deux principales leçons :
– Le thème de la formation « Inscription des électeurs » était mobilisateur pour tous les participants car l’élaboration d’un fichier électoral crédible et fiable demeure un défi dans de nombreux pays africains.
– Faciliter une formation BRIDGE quand on évolue dans le domaine des élections représente « un plus » pour le facilitateur et les participants car les deux catégories d’acteurs partagent souvent les mêmes interrogations pratiques sur le module développé et les concepts liés au sujet abordé.

Voilà quelques aspects positifs à saluer pour cette formation d’Accra consacrée à l’inscription des électeurs.

Pierre Claver NDAYICARIYE
Président de la CENI du Burundi